jeudi 19 mars 2009

Les urbanistes entendent structurer leur profession

En ce jour de "mobilisation nationale pour l'emploi et les services publics," je reproduis ici un point de vue signé avec Dominique Musslin, Vice-président de la Société Française des Urbanistes, pour la revue Urbanisme. J'aurai l'occasion de revenir dans les prochains jours sur les enjeux mais aussi les obstacles propres à l'organisation de la profession d'urbaniste (qui devient une urgente nécessité).





"Les jeunes urbanistes et la profession : un rendez-vous à ne pas manquer", tribune parue dans la revue Urbanisme, N° 364, janvier-févier 2009


Chaque année en France, 1 200 urbanistes diplômé(e)s entrent sur le marché de l'emploi. Reconnue par les instances ministérielles de l'Enseignement supérieur et du MEEDDAT (ex-Équipement), le métier d'urbaniste ne dispose en revanche d'aucune visibilité dans le système de nomenclatures du ministère de l'Emploi. Pour la Société française des urbanistes (SFU) et l’association Urba+ (réseau de l’Institut d’urbanisme de Paris), l'enjeu est donc de donner un coup de projecteur sur une profession comprenant plusieurs milliers de membres, mais qui reste largement à organiser. Prise de position de Dominique Musslin et Olivier Crépin[1]

La Société Française des Urbanistes et l'association Urba+ (réseau de l'Institut d'Urbanisme de Paris) s'étaient penchés il y a un an sur quelques questions simples : que deviennent les jeunes formés à l'urbanisme, une fois leur diplôme en poche ? Notre profession leur offre-t-elle de réels débouchés, leur assure-t-elle un véritable parcours professionnel ? Et plus concrètement, leur donne-t-elle un cadre matériel satisfaisant ? Des réponses ont été livrées à l'occasion des 1ères assises pour l'insertion professionnelle des jeunes urbanistes. Elles étaient initialement prévues pour prolonger des actions locales d'échanges et de coopération entre urbanistes praticiens, instituts d'urbanismes et associations d'étudiants et de jeunes diplômés. Actions locales ou régionales qui étaient de natures différentes - charte de partenariat, bourses de stage, forum des métiers – qui se déploient depuis quelques années et remportent un succès d'estime.

Absence de veille stratégique


Mais ces initiatives ont montré leur limite, celui du caractère isolé et local. Ainsi, à l'échelle nationale, la profession et les formateurs ne disposent d'aucun outil de veille stratégique pour déterminer de manière précise et exhaustive dans quelles conditions s'opère l'articulation entre offre de formation et demande d'emploi. Quelques exemples vécus et restitués par les jeunes urbanistes :
- plus de la moitié n'ont pas eu connaissance de la qualification délivrée par l'OPQU
[2]– alors qu'il s'agit d'un véritable positionnement pour la profession (le seul ?) ;
- au moment de s'inscrire comme demandeur d'emploi à Pôle Emploi (ex-ANPE), ils subissent une réelle déconvenue : « la profession d'urbaniste » n'existe pas, ou en tout cas n'est pas répertoriée, même par un simple code NAF INSEE. Autrement dit, ils ne rentrent pas dans les "cases" du service public de l'emploi. Curieux, lorsque l’on sait que les Master et les Doctorats d’urbanisme sont des diplômes d’Etat ;
- aucune lisibilité ne leur est proposée, en comparaison avec d'autres professions qui se sont organisées, pour qu'ils puissent définir un parcours professionnel, une évolution de leurs revenus ou tout simplement une formation tout au long de la vie.

Notre démarche de qualification, développée au sein de l'OPQU, met bien évidemment en exergue la possibilité de devenir urbaniste en venant de formations initiales diversifiées, en ayant investi des domaines différents, ou en travaillant à des échelles variées. Il y a plusieurs façons d'exercer notre métier. Et les urbanistes présents à la table ronde ont témoigné de cette diversité. Mais ils ont aussi mis en exergue « ce qui fait » l'urbaniste, cette façon de marier éthique et questionnement, créativité et responsabilité.

Nous sommes différents, mais nous sommes tous urbanistes.

L'obtention de la qualification est un premier chantier réussi. Il est temps d'en engager un second, celui de l'organisation de la profession. Il faudra certes mesurer les dégâts causés par notre morcellement associatif, mais ceci est un autre débat. Il faut surtout rendre notre profession lisible et attrayante pour les jeunes diplômés comme pour les employeurs potentiels (élus en tête). Nous pensons que le temps est désormais venu d'organiser un partenariat actif et réactif entre le monde professionnel et celui de la formation (initiale et permanente), en commençant par organiser un forum des métiers à la rentrée universitaire dans chaque institut d'urbanisme et en prenant des initiatives nationales pour faciliter la recherche d'emploi des jeunes urbanistes. A l'heure des difficultés économiques qui commencent à se faire sentir, le pire serait de rester dans l'incantation.
Nous avons beaucoup échangé entre nous sur l'éthique de notre profession. Partageons désormais ensemble une ambition au moins aussi mobilisatrice: l'organisation de la profession. Cela passe bien entendu par l'achèvement de la structuration du métier d'urbaniste. Celui-ci est exercé par des professionnels dont les statuts sont extrêmement diversifiés (libéral, salarié du privé ou ingénieur territorial), et qui n'ont d'autre point commun que leur qualification. C'était un premier pas. Mais il faut maintenant reprendre la marche en avant et donner un statut au métier. Car, peut-on considérer comme normal qu'une profession forte de plusieurs milliers de membres n'ait aucun outil de veille stratégique sur l’insertion des urbanistes, aucune convention collective spécifique, aucun dispositif de formation permanente partagé. Et au niveau européen? Certes, le conseil européen des urbanistes a mis en place une grille des compétences, à l'instar du référentiel de l'OPQU
[3]. Mais celle-ci reste très générale, indicative et n'a aucun fondement opérationnel. Nul ne sait vraiment si les instances européennes, qui sont positionnées sur les problématiques urbaines, vont s'emparer du sujet par le biais d'une directive bruxelloise. Et pourtant, nous avons bien à faire à une politique publique, structurée par l’Etat et les collectivités territoriales !

Pour nous, les choses sont donc simples, parallèlement à la construction d’un espace professionnel des urbanistes européens, il faut concentrer nos efforts nationaux sur 4 axes : doter la profession d'un label « Institut d'Urbanisme » dans chaque métropole française (1°), d'un code NAF INSEE (2°), d'une convention collective spécifique (3°), d'un dispositif mutualisé de formation permanente (4°).
Bien loin des revendications corporatistes, il s'agit en fait de débattre des modalités d'organisation d'une profession ouverte, dont les ressortissants sont mobiles, très bien formés, exerçant leur métier dans une grande diversité de structures, souvent en bonne synergie avec le monde de la recherche et de l'enseignement supérieur. Chacun d’entre nous peut être reconnu et qualifié comme « tisserands de l’urbain ». Prenons soin désormais de faire reconnaître « notre métier » et veillons à l’organiser.




[1] Respectivement urbaniste qualifié, membre de la commission de qualification de l'OPQU, membre de la SFU, et Vice-président d'Urba+ - réseau de l'Institut d'Urbanisme de Paris – délégué à l'insertion professionnelle, membre de la SFU.
[2] Office professionnel de Qualification des Urbanistes
[3] Voir http://www.opqu.org/upload/opqu_referentiel_urba.pdf









> A voir également, une retombée presse des 1ères Assises de l'insertion professionnelle des jeunes urbanistes avec cet article d'Urbapress (17 décembre 2008).