mercredi 26 mai 2010

Aéroville ou quand les aéroports génèrent de l’étalement urbain








Je signale un article de "Clm", urbaniste qui voyage dans le monde entier pour étudier les plans de développement des aéroports et leurs modèles d'insertion territoriale.

Il analyse la pertinence du projet de construction d’un centre-commercial à proximité immédiate de l’aéroport de Paris – Charles de Gaulle. Unibail-Rodamco est le promoteur de ce projet et ambitionne, selon Le Parisien, « d’installer une véritable ville à deux pas des pistes de l’aéroport Charles-de-Gaulle ».

Le contexte territorial :

Pour rappel, l’aéroport de Paris – Charles de Gaulle est situé à vingt-cinq kilomètres au nord-est de Paris en limite des espaces urbanisés continus de l’agglomération parisienne. Au-delà, c’est un paysage périurbain qui s’étale, alternant lotissements et espaces agricoles.

S'appuyant sur Google Earth, notre urbaniste observe que l’espace concerné par le projet, entre Roissy-en-France et Tremblay-en-France, est encore relativement épargné par l’urbanisation ; et note à juste titre qu'i

l existe déjà dans le secteur, le Centre commercial O’Parinor situé à Aulnay-Sous-Bois (220 boutiques). À Villepinte, Paris Nord 2 accueille également Ikea et Usines center et de nombreuses boutiques associées.

"Alors que l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle génère à lui seul un trafic routier responsable en partie de la saturation des autoroutes A1, A3 et A104, Unibail-Rodamco vient créer du trafic supplémentaire sur un territoire déjà saturé par les infrastructures de transport et la présence immédiate de 3200 hectares de zone aéroportuaire.

La communication n’étant jamais loin, le promoteur survend ses quelques rustines techniques environnementales à coup de panneaux photovoltaïques, de certification technique environnementale et d’une (très légère) limitation du nombre de places de parking (4000 au lieu de 4700). Bien loin des ambitions du Grand Paris ou du Grenelle de l’environnement, ce projet enfonce encore le Nord de l’agglomération parisienne dans une logique monofonctionnelle d’asservissement pour les territoires voisins et les passagers".

Et d'interroger : "Où sont les urbanistes ?"

L'article de Clm est accessible sur son propre blog : http://urbanisme.over-blog.net


dimanche 16 mai 2010

Le projet du grand Paris peut il ignorer la question sociale ? Tribune de Daniel Béhar dans la revue Esprit

Pour Daniel Béhar, urbaniste consultant (ACADIE), professeur associé à l’Institut d’Urbanisme de Paris, la "question sociale métropolitaine", telle que posée par les enjeux urbains du Grand Paris, "exige de revisiter le mode de traitement urbain consacré. Il n’est plus possible de s’en tenir à l’héritage conceptuel de Banlieues 89, c’est-à-dire l’alliance d’une rhétorique de l’égalité urbaine, du transfert du monumental et des attributs de l’urbanité du centre vers la banlieue et d’interventions techniques concentrées sur le désenclavement physique des quartiers déshérités."

Dans une tribune publiée dans la revue Esprit, Daniel Béhar explique pourquoi la puissance publique (Etat et collectivités locales) "ne plus raisonner en termes d’égalité statique entre les territoires, mais davantage à penser la question des conditions d’accès pour tous aux fonctions métropolitaines. En effet, le processus de métropolisation est marqué par une déconnexion croissante entre la « métropole mondialisée » et la métropole du quotidien. Le Grand Paris est moins structuré par une dualité centre/périphérie que par la superposition de l’archipel des excellences métropolitaines et de l’ordinaire du tissu urbain. Autrement dit, il s’agit moins aujourd’hui de rééquilibrer – sur un plan horizontal – un centre et une périphérie, que de connecter – sur un plan vertical – le global et le local. Cela ne passe pas seulement par l’organisation des infrastructures de déplacement, mais plus globalement par une conception nouvelle du fonctionnement urbain."

Associé à l’équipe de l’architecte-urbaniste Christian de Portzamparc dans le cadre de la consultation internationale du Grand Paris, Daniel Béhar n’hésite pas à s’écarter des discours dominants : pour le chercheur, "il y a lieu de réfléchir à ce que pourrait être un modèle de métropole attractive pour les couches populaires qui aujourd’hui, quand elles le peuvent, la fuient." Et d’interroger : "L’injonction au développement durable doit-elle se traduire impérativement par un modèle unique, celui de la ville dense et compacte ? Ce modèle est-il en mesure de répondre à toutes les attentes sociales ?"

> Retrouver l’intégralité de la tribune, mise en ligne au format PDF sur le blog de Pierre Mansat, Paris métropole fédérée.


samedi 15 mai 2010

Les territoires dans la crise : un bilan provisoire

« L’Observatoire des impacts territoriaux de la crise » mis en place début 2009 par l’AdCF et l’Institut pour la recherche de la Caisse des Dépôts et Consignations a livré en mars dernier ses premières conclusions. Confiée à l’économiste Laurent Davezies, chercheur et expert indépendant (L’Oeil), l’étude des impacts de la crise économique de 2008-2009 sur les zones d’emplois françaises permet déjà de dégager quelques grands enseignements, à partir de données statistiques des trois derniers semestres de 2008-2009 (UNEDIC, DARES, INSEE, Banque de France).

Contrairement à ce qu’il s’était produit au cours de la crise immobilière de 1991-1993 et de la récession de 1993-1994, les principales aires métropolitaines françaises et la région Île-de-France semblent avoir bien tenu le choc pour l’instant. « Les territoires productifs les plus modernes, dotés des activités à haute valeur ajoutée, s’en sont généralement mieux sortis que les autres. L’Ile-de-France, qui jusqu’alors amplifiait les retournements conjoncturels, semble désormais mieux les amortir », note Laurent Davezies.

A contrario, les territoires « manufacturiers » des régions industrielles, situés pour l’essentiel dans la partie Nord du pays, souvent éloignés des grandes agglomérations, ont subi de plein fouet l’impact des fermetures d’établissements et des contractions d’effectifs (notamment avec les ajustements opérés sur les postes intérimaires). En territorialisant les données de la DARES et de Pôle Emploi, le rapport provisoire montre que ces bassins d’emploi très spécialisés enregistrent en moyenne une variation de +43% de leur taux de chômage. Très marqués par les sinistres économiques et les destructions d’emploi, ces bassins d’activités traditionnelles disposent en outre d’amortisseurs plus faibles (consommation touristique, base publique, économie résidentielle…) que d’autres zones d’emploi. Ils risquent en outre de subir une « double peine » avec les conséquences financières qu’aura le remplacement de la taxe professionnelle dans les budgets des collectivités de ces bassins. L'excellent média Localtis a d'ailleurs choisi "d'angler" son article sur cet aspect du rapport.

Moins exposés, excepté sur le plan du tourisme international, les territoires résidentiels traversent sans trop de difficultés apparentes cette crise. « Les chocs sur le tourisme, l’immobilier, la construction (…), les ont certes affectés, mais n’ont pas empêché qu’une grande partie du Sud et de l’Ouest du pays, spécialisés dans la réponse à le demande des ménages, n’a finalement que peu souffert de ces deux années de crise « exceptionnelle ».

Prudent dans ses conclusions, encore provisoires, Laurent Davezies devrait restituer une version plus aboutie du rapport, étayée avec les chiffres de l’ensemble de l’année 2009 sur l’emploi (dès que ceux-ci seront disponibles). Pour autant, ces premiers résultats confirment la robustesse de la grille de lecture présentée par l’expert en 2003 à la Caisse des Dépôts et à la DATAR sur les différents moteurs du développement territorial de nos zones d’emploi : productif, public, résidentiel, et social.

A l'inverse, la presse nationale s'est "emparé" fin mars sans précautions de ces résultats pour les rapprocher de ceux des élections régionales... A voir un article de La Tribune, où Laurent Davezies est interviewé.

samedi 8 mai 2010

Urbanisme? Le mauvais procès dont on se relève à peine...

Dans "C'est arrivé près de chez vous", film au vitriol (devenu culte), Benoit Poelvoorde s'en prend ouvertement à la conception urbaine des grands ensembles. Dans cet extrait (un morceau de bravoure), un "lapsus" est lâché : "les urbanistes conçoivent..." Ou comment porter le chapeau pour de sinistres réalisations. Il ne sait visiblement pas que ces logements sont inspirés par Le Corbusier, architecte... On peut mesurer à quel point notre profession a été plombée pendant des années par la charte fonctionnaliste, idéologie appliquée à la lettre dans les années 50-60 par la technostructure d'Etat, celle des ingénieurs. On pourra également relever la très mauvaise perception de la densité, alors que ces quartiers sont bien moins denses que nos coeurs de villes (on réclame ici un "habitat de plain-pied").

Aujourd'hui le concept de densité "renaît de ses cendres dans toute sa splendeur, après des années d’ostracisme honteux", pour reprendre les mots de l'urbaniste Marc Wiel, à qui le réseau de l'Institut d'Urbanisme de Paris avait demandé en 2006 de "plancher" sur le sujet : "Rappelons nous les mouvements associatifs qui prirent corps dans les grands ensembles de la région parisienne puis de province dans les années 60 et surtout 70. Neuschwander prit la tête des associations en rébellion à Sarcelles (...) Le mot densité était honni, il résumait tout ce que les journalistes en quête de copie et les occupants qui se feraient ultérieurement construire un pavillon, reprochaient aux grands ensembles. Ces mouvements furent parfaitement capitalisés par le parti socialiste renaissant". La vague rose des élections municipales de 1977 coïncidait avec une utopie nouvelle, "celle d’un syndicalisme du cadre de vie, qui pour changer la vie devait changer la ville, et dont Hubert Dubedout (premier homme politique à initier ce qui devint la politique de la ville) fut le personnage le plus en vue".

A l'époque, la Société Française des Urbanistes (SFU) "ramait à contre courant" en organisant son congrès sur les vertus de la ville dense. 10 ans avant, au lendemain de 1968, elle avait appelé à un urbanisme plus participatif et décentralisé.

Dans son livre (magistral), "Pour planifier les villes autrement", Marc Wiel explique comment par la suite (durant toute la décennie 1980-90) la profession urbaniste a été largement discréditée (à tort), et comment l'émiettement de la planification locale, dans des sphères techniques municipalisées, sectorisées, autonomes et segmentées, n'a permis de bien positionner l'urbaniste au sein des collectivités locales. Il fallait faire de la "politique de la ville", du "développement local", puis du "marketing territorial"... La communauté professionnelle s'est donc fragmentée (et nous en payons aujourd'hui les conséquences). Avec le développement autoroutier, la vitesse effrénée des déplacements automobiles mais aussi nos taxes d'urbanisme qui pénalisent toujours la ville compacte, la France se dé-densifia, s'étala... Les périphéries urbaines de notre pays se couvraient alors de vastes zones d'activités commerciales et économiques (et de nappes de parking...), de banlieues pavillonnaires (un petit peu plus loin). Les urbanistes se concentraient alors sur la "vraie ville", la ville dense, nos centres-anciens patrimonialisés, "celle qui faisait l'objet de toute leur attention". Il fallu attendre la loi SRU en 2000 pour qu'une planification urbaine soit relancée, celle dont les élus locaux sont enfin responsables. La question est maintenant de savoir si ces élus s'entourent d'urbanistes...


Métropoles et pouvoir d’agglomération : nouvelle ambition ou rendez-vous manqué ?

"Il y a quelques mois, un certain consensus semblait se dessiner pour assurer un renforcement du pouvoir d’agglomération et doter les principales métropoles françaises d’un statut novateur.Plusieurs rapports (Institut de la décentralisation, rapport Perben, Commission des lois de l’Assemblée nationale Warsmann-Urvoas…) s’inscrivaient déjà dans ce sens avant que le comité de réforme des collectivités locales n’en fasse l’une de ses propositions phares. Un an plus tard, à l’issue de son examen par le Sénat, le projet de loi de réforme des collectivités tend clairement à s’éloigner de ces attentes. Le nouveau statut reste in fine très proche de celui de la loi du 31 décembre 1966 relatif à la création des premières communautés urbaines. Les “pôles métropolitains” n’apportent guère d’innovations institutionnelles par rapport à ce que des syndicats mixtes permettaient déjà.Faut-il redonner du souffle à la réforme ? Des évolutions du texte sont-elles encore possibles ? Sont-elles souhaitables ? Quelles propositions concrètes formuler à la veille de l’examen du texte par l’Assemblée nationale ? "


Instituée en mai 2000 par l’AdCF, au lendemain de la naissance des premières communautés d’agglomération
issues de la loi “Chevènement”, la journée des présidents d’agglomération constitue un rendez-vous privilégié entre
les grands décideurs urbains et les pouvoirs publics nationaux. L’an passé, la 6e édition accueillie par Gérard Larcher,
président du Sénat, avait été l’occasion de débattre avec Édouard Balladur, président du comité de réforme des
collectivités locales, de l’avenir des métropoles et agglomérations françaises et des innovations attendues par les élus.
En 2010, cette journée interviendra à l’Assemblée nationale, à la veille de l’examen par les députés du projet de loi
de réforme des collectivités et en pleine discussion du Grenelle 2,dont les dispositions seront également décisives sur
les conditions d’exercice des compétences des agglomérations (transports, logement, urbanisme, plans climat, déchets…).
Les représentants des agglomérations françaises auront l’occasion de se prononcer sur les évolutions des
textes, la réduction des ambitions assignées au nouveau statut de métropole après l’examen du Sénat et la disparation
de certaines orientations attendues du Grenelle de l’environnement.La journée permettra également de formuler des
propositions en vue du chantier de clarification des compétences annoncé pour l’été et du second acte de la réforme
fiscale (“clauses de revoyure” prévues en juin 2010).

Daniel Delaveau,
Président de l’AdCF, président de Rennes Métropole