samedi 21 mars 2009

"Il n'y a plus Paris et le désert français, comme jadis, mais la France intercommunale et le désert de Paris".



Après avoir communiqué le rapport d’étape de la mission spécifique constituée sur la réforme des collectivités (sous la présidence du sénateur Claude Belot), le Sénat a consacré, ce mercredi 18 mars, une longue séance de débats sur le sujet en présence de Alliot-Marie, Ministre de l'Intértieur et d'Alain Marleix, secrétaire d'Etat aux collectivités territoriales.

Selon le Président du Sénat, Gérard Larcher, l’achèvement et la simplification du mode de fonctionnement de l’intercommunalité doit constituer le premier volet de la réforme territoriale.
Prenant acte du consensus entre sénateurs « sur tout ce qui a trait à l’intercommunalité », Gérard Larcher a déclaré dans une interview (Les Echos, 18 mars 2009) que la première des lois d’application, découlant de la future loi cadre, devrait selon lui « porter sur l’intercommunalité et pouvoir être abordée courant 2010 ». Gérard Larcher a précisé que si la commune restait bien « la cellule de la base de la nation » et « le cœur de la démocratie territoriale », il fallait aussi « achever l’intercommunalité et la simplifier dans son mode de fonctionnement. Le rapport d’étape fixe l’échéance à 2011 mais cela peut-être 2012 ».

Interpellée à ce sujet lors du débat au Sénat, la Ministre de l'Intérieur a déclaré : "Le Gouvernement considère que le moment est venu d'engager la réforme. Je suis d'accord avec vous sur la nécessité de terminer la carte de l'intercommunalité, mais il faut le faire par la conviction ; 2011, c'est un peu court, 2014 un peu tard".

Extraits :
Claude Bérit-Débat - "L'intercommunalité est une vraie réussite : 93 % des communes sont concernées, regroupant 87 % de la population. Il n'y a plus Paris et le désert français, comme jadis, mais la France intercommunale et le désert de Paris.
Toutefois des améliorations doivent être apportées. Il faut d'abord achever la carte de l'intercommunalité en 2011 en contraignant les communes récalcitrantes. A cet effet, les pistes proposées dans le rapport me semblent aller dans le bon sens. Il faut surtout la rationaliser et doter les territoires d'EPCI d'un territoire pertinent. Cela suppose aussi de mettre fin aux intercommunalités défensives et aux intercommunalités d'aubaine.
S'il faut renforcer les compétences obligatoires des intercommunalités, cela me semble surtout vrai pour les communautés de communes. Mais il faut aussi et surtout laisser les élus définir librement l'intérêt communautaire".
(...)

M. Dominique Braye - " La réalité quotidienne, ce n'est pas la commune. Dans 32 000 des 36 000 communes, il n'y pas moyen de faire ses courses, pas d'école ou de lycée ! Ne vous méprenez pas : je suis profondément attaché à la commune, mais la réalité quotidienne, c'est le bassin de vie, qu'il s'agisse de transport, d'environnement, etc. Selon un sondage, 89 % des Français considèrent que l'intercommunalité est une excellente chose pour leur commune. La Haute assemblée, le Gouvernement ne peuvent être en retrait par rapport à cette demande des Français !
Vendredi dernier, à Rambouillet, le Président de la République a affirmé que les Français étaient bien plus prêts au changement et aux réformes que leurs élus. Je suis d'accord, et, comme Mme Voynet, je suis persuadé que les élus sont un frein aux évolutions souhaitables.
Madame le ministre, comment envisagez-vous d'achever la carte de l'intercommunalité ? On manie la carotte depuis longtemps, mais 7 % des communes restent rétives. Comment rationaliser le périmètre de l'intercommunalité ? Chez moi, un bus traverse une commune sous le nez des habitants, qui doivent en attendre un autre, aux trois quarts vide, car leur commune n'appartient pas à l'intercommunalité ! Dans certaines rues, la collecte se fait d'un côté mais pas de l'autre ! Quand mettra-t-on fin à ces originalités qui nous coûtent très cher ?

Réponse de la ministre :

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - Je ne doute pas que 89 % des Français soient favorables à l'intercommunalité quand leur commune n'a pas les moyens de construire seule une piscine, une médiathèque ou une salle de spectacle. Je ne doute pas qu'il soit gênant que la carte ne soit pas achevée, mais ce n'est pas une raison pour dire que la commune ne sert à rien !
L'intercommunalité est un progrès ; je l'ai d'ailleurs mise en place chez moi. Mais quelqu'un qui n'est pas rentré volontairement essaiera de faire éclater le système !
Donc il faut convaincre. La majorité des élus sont raisonnables mais il existe quelques antagonismes de personnes. C'est pourquoi j'ai demandé aux préfets de tenter de convaincre en fixant une date limite. Nous aurons peut-être à fixer cette date dans la loi. J'estime qu'un délai de dix-huit mois serait trop court. Vous estimez que cinq ans, c'est trop long. Nous trouverons une date butoir adéquate afin de rationaliser tout cela.

Conclusion de M. Krattinger, rapporteur :

"Cent pour cent des sénateurs de la mission sont partisans d'achever l'intercommunalité et nous y parviendrons d'autant mieux qu'elle ne fait même plus débat sur le terrain."

Où l'on découvre ici que l'expression "un train de sénateur" n'a plus aucun sens...


> Sur le déploiement territorial de l'intercommunalité, voir la note de l'AdCF : "Etat de l'intercommunalité 2009".


jeudi 19 mars 2009

Les urbanistes entendent structurer leur profession

En ce jour de "mobilisation nationale pour l'emploi et les services publics," je reproduis ici un point de vue signé avec Dominique Musslin, Vice-président de la Société Française des Urbanistes, pour la revue Urbanisme. J'aurai l'occasion de revenir dans les prochains jours sur les enjeux mais aussi les obstacles propres à l'organisation de la profession d'urbaniste (qui devient une urgente nécessité).





"Les jeunes urbanistes et la profession : un rendez-vous à ne pas manquer", tribune parue dans la revue Urbanisme, N° 364, janvier-févier 2009


Chaque année en France, 1 200 urbanistes diplômé(e)s entrent sur le marché de l'emploi. Reconnue par les instances ministérielles de l'Enseignement supérieur et du MEEDDAT (ex-Équipement), le métier d'urbaniste ne dispose en revanche d'aucune visibilité dans le système de nomenclatures du ministère de l'Emploi. Pour la Société française des urbanistes (SFU) et l’association Urba+ (réseau de l’Institut d’urbanisme de Paris), l'enjeu est donc de donner un coup de projecteur sur une profession comprenant plusieurs milliers de membres, mais qui reste largement à organiser. Prise de position de Dominique Musslin et Olivier Crépin[1]

La Société Française des Urbanistes et l'association Urba+ (réseau de l'Institut d'Urbanisme de Paris) s'étaient penchés il y a un an sur quelques questions simples : que deviennent les jeunes formés à l'urbanisme, une fois leur diplôme en poche ? Notre profession leur offre-t-elle de réels débouchés, leur assure-t-elle un véritable parcours professionnel ? Et plus concrètement, leur donne-t-elle un cadre matériel satisfaisant ? Des réponses ont été livrées à l'occasion des 1ères assises pour l'insertion professionnelle des jeunes urbanistes. Elles étaient initialement prévues pour prolonger des actions locales d'échanges et de coopération entre urbanistes praticiens, instituts d'urbanismes et associations d'étudiants et de jeunes diplômés. Actions locales ou régionales qui étaient de natures différentes - charte de partenariat, bourses de stage, forum des métiers – qui se déploient depuis quelques années et remportent un succès d'estime.

Absence de veille stratégique


Mais ces initiatives ont montré leur limite, celui du caractère isolé et local. Ainsi, à l'échelle nationale, la profession et les formateurs ne disposent d'aucun outil de veille stratégique pour déterminer de manière précise et exhaustive dans quelles conditions s'opère l'articulation entre offre de formation et demande d'emploi. Quelques exemples vécus et restitués par les jeunes urbanistes :
- plus de la moitié n'ont pas eu connaissance de la qualification délivrée par l'OPQU
[2]– alors qu'il s'agit d'un véritable positionnement pour la profession (le seul ?) ;
- au moment de s'inscrire comme demandeur d'emploi à Pôle Emploi (ex-ANPE), ils subissent une réelle déconvenue : « la profession d'urbaniste » n'existe pas, ou en tout cas n'est pas répertoriée, même par un simple code NAF INSEE. Autrement dit, ils ne rentrent pas dans les "cases" du service public de l'emploi. Curieux, lorsque l’on sait que les Master et les Doctorats d’urbanisme sont des diplômes d’Etat ;
- aucune lisibilité ne leur est proposée, en comparaison avec d'autres professions qui se sont organisées, pour qu'ils puissent définir un parcours professionnel, une évolution de leurs revenus ou tout simplement une formation tout au long de la vie.

Notre démarche de qualification, développée au sein de l'OPQU, met bien évidemment en exergue la possibilité de devenir urbaniste en venant de formations initiales diversifiées, en ayant investi des domaines différents, ou en travaillant à des échelles variées. Il y a plusieurs façons d'exercer notre métier. Et les urbanistes présents à la table ronde ont témoigné de cette diversité. Mais ils ont aussi mis en exergue « ce qui fait » l'urbaniste, cette façon de marier éthique et questionnement, créativité et responsabilité.

Nous sommes différents, mais nous sommes tous urbanistes.

L'obtention de la qualification est un premier chantier réussi. Il est temps d'en engager un second, celui de l'organisation de la profession. Il faudra certes mesurer les dégâts causés par notre morcellement associatif, mais ceci est un autre débat. Il faut surtout rendre notre profession lisible et attrayante pour les jeunes diplômés comme pour les employeurs potentiels (élus en tête). Nous pensons que le temps est désormais venu d'organiser un partenariat actif et réactif entre le monde professionnel et celui de la formation (initiale et permanente), en commençant par organiser un forum des métiers à la rentrée universitaire dans chaque institut d'urbanisme et en prenant des initiatives nationales pour faciliter la recherche d'emploi des jeunes urbanistes. A l'heure des difficultés économiques qui commencent à se faire sentir, le pire serait de rester dans l'incantation.
Nous avons beaucoup échangé entre nous sur l'éthique de notre profession. Partageons désormais ensemble une ambition au moins aussi mobilisatrice: l'organisation de la profession. Cela passe bien entendu par l'achèvement de la structuration du métier d'urbaniste. Celui-ci est exercé par des professionnels dont les statuts sont extrêmement diversifiés (libéral, salarié du privé ou ingénieur territorial), et qui n'ont d'autre point commun que leur qualification. C'était un premier pas. Mais il faut maintenant reprendre la marche en avant et donner un statut au métier. Car, peut-on considérer comme normal qu'une profession forte de plusieurs milliers de membres n'ait aucun outil de veille stratégique sur l’insertion des urbanistes, aucune convention collective spécifique, aucun dispositif de formation permanente partagé. Et au niveau européen? Certes, le conseil européen des urbanistes a mis en place une grille des compétences, à l'instar du référentiel de l'OPQU
[3]. Mais celle-ci reste très générale, indicative et n'a aucun fondement opérationnel. Nul ne sait vraiment si les instances européennes, qui sont positionnées sur les problématiques urbaines, vont s'emparer du sujet par le biais d'une directive bruxelloise. Et pourtant, nous avons bien à faire à une politique publique, structurée par l’Etat et les collectivités territoriales !

Pour nous, les choses sont donc simples, parallèlement à la construction d’un espace professionnel des urbanistes européens, il faut concentrer nos efforts nationaux sur 4 axes : doter la profession d'un label « Institut d'Urbanisme » dans chaque métropole française (1°), d'un code NAF INSEE (2°), d'une convention collective spécifique (3°), d'un dispositif mutualisé de formation permanente (4°).
Bien loin des revendications corporatistes, il s'agit en fait de débattre des modalités d'organisation d'une profession ouverte, dont les ressortissants sont mobiles, très bien formés, exerçant leur métier dans une grande diversité de structures, souvent en bonne synergie avec le monde de la recherche et de l'enseignement supérieur. Chacun d’entre nous peut être reconnu et qualifié comme « tisserands de l’urbain ». Prenons soin désormais de faire reconnaître « notre métier » et veillons à l’organiser.




[1] Respectivement urbaniste qualifié, membre de la commission de qualification de l'OPQU, membre de la SFU, et Vice-président d'Urba+ - réseau de l'Institut d'Urbanisme de Paris – délégué à l'insertion professionnelle, membre de la SFU.
[2] Office professionnel de Qualification des Urbanistes
[3] Voir http://www.opqu.org/upload/opqu_referentiel_urba.pdf









> A voir également, une retombée presse des 1ères Assises de l'insertion professionnelle des jeunes urbanistes avec cet article d'Urbapress (17 décembre 2008).



samedi 14 mars 2009

Grand Paris : "fausses formules" et "solutions de transition"

La mission sénatoriale sur « l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales », mise sur pied par le président du Sénat Gérard Larcher et présidée par Claude Belot (sénateur de Charente-Maritime), a remis son rapport d'étape ce mercredi 11 mars. La veille, Edouard Balladur a suggéré, à l’occasion de son audition par les sénateurs, que soit créée une communauté urbaine de Paris. Cette piste alternative intervient après la « levée de boucliers » provoquée par sa proposition de fusionner les 4 départements de Paris et de la petite couronne pour constituer une collectivité singulière du « Grand Paris », de nature supra-locale. Le Chef de l’Etat ayant lui-même manifesté son scepticisme, Edouard Balladur propose une alternative fondée sur une logique de coopération intercommunale. « Il faut organiser une intercommunalité forte dans la petite couronne », a-t-il déclaré, signalant au passage qu’il n'y avait pas eu, au cours de ces dernières années, d'efforts et de volonté politique de créer une communauté urbaine autour de Paris alors que la région Ile-de-France est la région où l'intercommunalité est la moins développée en France, en particulier dans la petite couronne ». « Peut-être qu'une solution de transition serait de créer une communauté urbaine » en attendant d’aboutir à la solution proposée dans son rapport, a-t-il suggéré.

"Solution de transition" qu'il réaffirme ici dans le talk Orange/Le Figaro :




Commentaire :

L'ancien Premier ministre propose dans son rapport la constitution de Métropoles ou de communes nouvelles (issues de l'intercommunalité communautaire) en collectivités territoriales de plein exercice. Pourquoi le coeur de l'agglomération de Paris n'aurait-il pas droit à cette perspective institutionnelle? Entre le "mastodonte" supra-local de 6,5 millions d'habitants préconisé dans le rapport Balladur et la cellule communale de base, il faudra bien trouver une maille territoriale intermédiaire pour assurer les fonctions de gestion urbaine de proximité. Dans ces conditions, pourquoi des communautés d'agglomération renforcées dans leurs périmètres et leurs compétences (atteignant une masse critique autour de 400 000 habitants) ne pourraient-elles pas se transformer en "communes nouvelles" ou en "métropoles"?
8 à 10 grands "boroughs", assis sur des logiques de polarités fortes, pourraient alors émerger et se rassembler avec la Ville de Paris dans une fédération métropolitaine du Grand Paris.

samedi 7 mars 2009

Géopolitique de l'eau au Proche-Orient



« Sans accord pour l'eau, il n'y aura pas d'accord ».

Yitzhak Rabin


Une conférence aura lieu à l’Institut d’Urbanisme de Paris le lundi 9 mars de 12h30 à 14h30 (amphithéâtre) sur le thème : "Eau, Environnement, Développement durable : quels enjeux pour la paix ?" en présence du Dr. Abdelrahman TAMINI, Directeur Général du Palestinian Hydrology Group (PHG), expert des questions d’eau et d’environnement au Proche-Orient, nominé au Prix Rammal pour sa contribution scientifique par l’association Euroscience (2007).


Cet évènement s’inscrit au sein des cycles de conférence organisés par le réseau universitaire Faculty For Israeli-Palestinian Peace qui rassemble professeurs, chercheurs et étudiants occidentaux, israéliens et palestiniens autour d’une volonté commune d’aborder les grands enjeux du processus de paix israélo-palestinien dans une perspective académique.


Une conférence similaire avait fait salle comble l’an passé à l’IUP en présence du Pr. Jeff Halper, anthropologue israélien nominé au prix Nobel de la Paix en 2007. C’est une occasion unique pour les étudiants, les doctorants, et les enseignants de l’Institut d’aborder les grandes questions territoriales en s’intéressant à une région régulièrement sous les feux de l’actualité.


Pour en savoir plus :