L'Office Professionnel de Qualification des Urbanistes (OPQU) continue de faire l'objet de controverses. On se souvient du pavé dans la marre lancé récemment par l'urbaniste Dominique Musslin, directeur de l'agence d'urbanisme du pays de Montbéliard, une tribune sans langue de bois ni concessions qui dénonçait les dérives de ce dispositif...
Créé en 1998, avec le soutien de l’Association des Maires de France (AMF) et de l’État, l'OPQU a pour mission principale d’attribuer une qualification professionnelle aux urbanistes et de la faire connaître. Pour ce faire, il assure une mission de service public, dans le cadre d’un protocole signé avec le Ministère en charge de l’urbanisme.
En 12 années d'existence, le bilan est effectivement maigre avec moins de 600 qualifiés, alors que des milliers de personnes exercent la profession d'urbaniste en France et que des centaines de diplômés issus des Instituts d'urbanisme entrent chaque année dans "la carrière" (le CNJU les évalue à environ 700 par an).
Pour "booster" le nombre de "qualifiés", les responsables de l'OPQU se sont engagés à faciliter l'inscription de ces diplômés en urbanisme issus de l'enseignement supérieur (et largement de l'université) sur une "liste d'aptitude", sorte de "antichambre" vers la procédure de qualification qui, au demeurant, s'avère très fastidieuse et a pour travers d'honorer des urbanistes seniors, plutôt confirmés par le force de l'âge...
Cette approche très élitiste et sélective aurait donc pu être complétée par une inscription en masse et systématique des centaines d'urbanistes qui sortent chaque année diplômés des Instituts d'Urbanisme. Or, à ce jour, seuls 26 d'entre-eux ont été inscrits sur les tablettes !
Au lieu de les "draguer" et de les inciter à s'inscrire sur cette liste d'aptitude, l'OPQU a tout récemment fait savoir qu'il avait élaboré un référentiel d'évaluation des formations en urbanisme, dans le but de déterminer si leurs diplômés étaient habilités ou non à recevoir le "précieux sésame" de la qualification. Mise en ligne par l'OPQU sur son site Internet, cette grille d'évaluation distingue des formations de Master, principalement délivrées dans des Instituts d'urbanisme, et des formations dites "intégrées" sanctionnant 5 années d'études en urbanisme. Ces formations "intégrées" semblent clairement avoir les faveurs des responsables de l'OPQU au détriment des Masters d'urbanisme comme l'avance son président dans une interview parue le 19 novembre dernier dans Le Moniteur : « Le domaine de la formation en urbanisme n’est pas suffisamment structuré. Les cursus complets dans ce domaine, à l’instar des formations en architecture, sont encore très rares. »
Comment interpréter ces propos? On pourrait comprendre, que dans l'esprit du président de l'OPQU, architecte de formation, les écoles d'architecture dispensent ce type de formations "intégrées" en urbanisme. Mais pour un expert du sujet, ce distinguo relève de l'imposture dans la mesure où ces formations intégrées n'existent tout simplement pas. Dans un billet publié sur son blog, cet observateur avisé des formations en urbanisme dénonce une véritable fiction : "Les partisans de la formation intégrée en urbanisme voudraient nous faire croire que seules les écoles d'architecture et les écoles d'ingénieurs seraient en mesure de délivrer ce qu'ils considèrent comme le modèle de formation en urbanisme (...) Or les écoles d'architecture et les écoles d'ingénieurs, dans de très légères options dispensées en fin de cursus, abordent superficiellement la ville et encore plus rarement, l'urbanisme. Penser que ces écoles forment des urbanistes relève du fantasme. Leurs diplômés sont au mieux sensibilisés à la ville et mais ne sont pas des urbanistes", poursuit notre blogger.
Il est vrai que ce discrédit sur les formations universitaires en urbanisme est troublant pour ne pas dire dérangeant dans le contexte actuel de discrimination dont font l'objet les urbanistes diplômés de l'université dans l'accès aux carrières de la fonction publique territoriale. Représentant l'immense majorité des formations en urbanisme, le Master, faut-il le rappeler, est le seul diplôme reconnu au niveau européen et surtout le diplôme privilégié pour l'exercice professionnel en urbanisme. L'Institut d'Urbanisme de Paris, pour ne prendre qu'un exemple, a formé plus de 3000 urbanistes depuis 1972 (diplômés du DIUP, de DESS, de DEA, de Master et du Doctorat). Il faut donc être très mal informé ou extrêmement culotté pour avancer que le milieu de "la formation en urbanisme n’est pas suffisamment structuré" !
En définitive, l'OPQU ignore superbement "dix-huit instituts d’urbanisme et formations supérieures en urbanisme et aménagement du territoire qui forment chaque année 800 à 1000 jeunes urbanistes avec un taux d’emploi d’environ 75% dans le domaine". Il ignore enfin "10 000 à 15 000 professionnels formés depuis vingt ans dans ces établissements qui représentent aujourd’hui la grande majorité de la profession".
La conclusion : "Arrêtons de débattre sur des chimères et structurons notre profession autour de ses membres et formations qui œuvrent tous les jours partout en France."