A retenir dans l’actualité tauromachique: deux nouveaux développements marquants pour l’afiçión française et un non-événement: les deux événements importants sont ceux de la nouvelle victoire judiciaire des aficionados de Rieumes face aux anti-taurins quant à la reconnaissance de la tradition taurine en région toulousaine et de la création de l’Observatoire des Cultures taurines. Le non-événement ? L’annonce (prévisible) de l’abandon de la Feria et des corridas par la nouvelle municipalité élue de Fenouillet, commune de l’agglomération toulousaine et arène de troisième catégorie…
L’actualité vient ainsi appuyer les analyses que j’avais menées dans le cadre de mon mémoire de fin d’études à Sciences Po Toulouse, recherche qui a donné lieu à un article dans la revue Sud-Ouest Européen (voir le résumé).
« Les associations anti-corridas sont en train d’être instrumentalisées par l’opposition municipale », me déclarait en entretien la directrice de cabinet du maire de Fenouillet, Gilles Broquère, en mars 2004. Depuis, les Ferias de Fenouillet et de Rieumes se sont poursuivies avec des hauts et des bas… Et récemment, donc, la Cour d'appel de Toulouse a jugé le 7 avril 2008 (une nouvelle fois) qu'une tradition ininterrompue de courses de taureaux peut être invoquée à Toulouse ainsi que dans sa région, à laquelle appartient la Commune de Rieumes. Il s'agit donc là, d'une grande victoire pour l'afiçión et pour le Club Taurin de Rieumes, en particulier, dont le Président, Yves Samyn, me confiait (toujours au printemps 2004, durant mon enquête) :
« En Haute-Garonne, les gens sont branchés cheval, et comme le public qui va voir les novilladas n’est pas du tout le même que celui qui assiste à la corrida de rejon, puisque ces derniers vont surtout voir le cheval, cela apporte quelque chose de supplémentaire (…) Entre Béziers, Arles, Dax et Toulouse, il y a attirance pour les cartels. On retrouve la tradition, la grosse machine de Toulouse. Les déçus de Fenouillet trouvent autre chose à Rieumes, la tauromachie humaine. A Toulouse on va voir des cartels, à Rieumes on vote ! On a une majorité de locaux aux novilladas. L’esprit de la novillada, c’est celui d’une équipe de cadets ou de juniors (…) Il s’agit de développer la culture taurine. Notre réussite passera par l’humain, et par l’éducation des gosses. Il faut créer la curiosité de l’art, du défi, de l’animal chez l’enfant (…) Chez nous à Rieumes, c’est le local, la placita, c’est notre creuset, on est dans un rayon de 50 km, pas plus… Toulouse et sa banlieue, Luchon, Saint Gaudens, Auch, il faut rester proche des toulousains, et il faut qu’ils restent à côté de chez nous… »
La réalité taurine de la proche région toulousaine ne peut guère s'affranchir des dynamiques de projets taurins conduits par les acteurs du mundillo et des élus à l'échelle locale, mais surtout de la reconnaissance juridique du périmètre légal de la corrida espagnole, et ce faisant, de la permanence d'une afición régionale. Ce travail de recherche universitaire avais ainsi mis en évidence l’évolution extensive et spatialisée de la notion juridique de tradition taurine, celle-ci marquant une territorialisation du droit. Depuis une trentaine d’années, le juge se fait en effet l’interprète de la pertinence des territoires de tradition taurine.
Au delà de la jurisprudence tauromachique, l'expérience rieumoise montre que les territorialités taurines sont des processus fragiles car toujours en mouvement. La véritable problématique pour ces acteurs, qui se revendiquent comme « non professionnels», est donc de concevoir une nouvelle forme de territorialité au sein de la géographie taurine. Cette territorialité est avant tout liée à la capacité des aficionados adeptes de la novillada à pouvoir se déplacer. Qu’est-ce que leur territoire ? Pour les plus nomades, il s’agit d’un territoire construit par le mouvement, d’un territoire adapté à la saison taurine, à la temporada, « un territoire de la liturgie taurine »
Concernant l’Observatoire des Cultures taurines, on ne peut que saluer l’initiative d’André Viard d’avoir présidé à sa création. J'attends avec impatience les travaux de celui-ci dans la mesure où le groupe d’études parlementaires sur la tauromachie à l’Assemblée Nationale créé en 2003 est resté stérile en prospections comme en propositions. Je ne doute pas que cette initiative salutaire se traduira par un important travail de pédagogie, d’information et de sensibilisation auprès des pouvoirs publics. Alors reviendra le temps d’un lobbying constructif en direction de la représentation nationale et du Parlement européen, avec comme objectif l’inscription des cultures taurines et des tauromachies européennes au patrimoine mondial de l’humanité.
Voir en ligne :
L'arrêt de la Cour d'appel de Toulouse du 7 avril 2008
Naissance de l'Observatoire National des Cultures Taurines
Revue Sud-Ouest Européen, publication des Presses Universitaires du Mirail